En mal de calculs

Alexis remonte dans sa voiture en sifflotant. Il vient de signer un contrat de matières premières pour trois ans avec Mickaël pour son élevage de porc. Il a vendu également deux mélanges de fourragères distribués par son entreprise pour les besoins en foin de l'agriculteur pour ses vaches laitières. Et ils ont eu des échanges intéressants sur les systèmes en herbe et les projets pour améliorer le diagnostic énergétique de l'exploitation.

Ragaillardi, il arrive chez Antoine qui a ouvert un atelier de jeunes bovins viande, depuis un an. L'éleveur lui a demandé de passer pour établir ses besoins en aliment pour compléter les ensilages de maïs et d'herbe. Entre deux giboulées, le jeune technico-commercial de 25 ans, en poste depuis deux ans dans une zone de polyculture-élevage, arrive à destination. Une exploitation bien tenue, qui arbore l'enseigne « Bienvenue à la ferme ».

Accueilli par les cancanements de deux canes se dandinant dans la cour, Alexis rejoint directement l'agriculteur dans son bureau jouxtant la stabulation. De fil en aiguille, ils en arrivent à parler du nouvel aliment que l'entreprise du jeune TC produit depuis six mois. « Il a fait ses preuves. Tous nos clients en sont satisfaits et ont observé un meilleur GMQ », affirme Alexis à l'agriculteur, dubitatif. « Mais il est à quel prix ton produit miracle ? » Antoine ne se laisse pas convaincre facilement. Il a déjà eu des déconvenues avec un technicien d'une autre société. Et depuis, il est très vigilant. « BovinUltraPlus est à 400 euros la tonne. » Emettant un sifflement, l'éleveur rétorque aussitôt : « Eh ben, il n'est pas donné. Ton concurrent est passé hier me proposer un aliment qui casserait la baraque aussi, pour 100 euros de moins. »

Gêné, Alexis reste quelques secondes coi, puis se reprend. « Oui, mais avec le nôtre, tu finis tes animaux plus vite. » « Cela reste à prouver », réplique Antoine. « Tu as une feuille de papier ? » Le jeune TC se met à gribouiller des chiffres.

« Ah mince, c'est comment déjà ? » Agacé, Alexis rature la page. « Des soucis avec les calculs ? », demande Antoine. « Non, non. C'est seulement que je ne retrouve plus la démonstration de mon chef. Mais je sais que tes animaux seront finis plus tôt avec notre aliment qu'avec celui du concurrent. »

Hélène Laurandel